Nombrilisme extrême

Ça y est, la nouvelle saison télévisuelle s'approche à grands pas.  Il faudrait être complètement déconnecté pour le pas l'avoir remarqué, pour ne pas avoir entendu parler de la "guerre" qui se prépare...

Ce qui m'embête le plus, c'est la personnalisation de plus en plus grande, le culte de la vedette-animatrice.  Prenons la pub de Radio-Canada pour Tout le monde en parle.  On nous envoie les grandes questions de l'heure: est-ce que le dimanche soir finit la fin de semaine ou commence la semaine ?  Est-ce que tout le monde en parle parce que tout le monde regarde ou tout le monde regarde parce que tout  le monde en parle ?   Voilà des questions existentielles.  Qui pourraient animer une soirée en famille ou entre amis.

Mais franchement, qu'est-ce qu'on a à foutre de "est-ce que Guy A. va se raser ?"  Est-ce vraiment une question qui mérite d'être posée ?  Est-ce que quelqu'un s'intéresse vraiment à la question ?  Non, bien entendu.  Le fait est que tout le monde s'en fout.  Cependant, j'imagine très bien Guy A. insister pour que sa Personne avec un grand "P" soit mise de l'avant dans la publicité.  "C'est mon émission" (à prononcer dans votre tête avec une voix terriblement nasillarde).

Vous vous rappelez, dans la cour d'école au primaire, l'enfant gâté que tous admiraient, écoutaient et qui décidait de prendre pour victime un petit gêné pour lui en faire voir de toutes les couleurs ?  Qu'avait fait cet enfant pour devenir celui que tous admiraient, celui dont tout le monde voulait se vanter d'être l'ami?  On ne le sait pas trop.   Souvent pas grand chose: il avait le plus beau sac d'école, il avait la chance que sa mère lui mette une palette de chocolat dans son lunch, il était meilleur au ballon chasseur.  Lepage, dans son émission, agit en "king de la cour d'école". 

J'ai, pendant la première saison, écouté presque religieusement ce talk-show du dimanche soir.  Je trouvais intéressants le débats qui s'y déroulaient, le fait que les participants aient entre eux des discussions sur des sujets d'actualité, sur la culture, des débats de valeurs.  Il y avait une vraie discussion, des gens qui émettaient des opinions contraires.  Ce n'est plus le cas.  Tout le monde en parle, c'est maintenant Lepage qui émet son opinion, qui émet l'Opinion. 

L'entendre dire " Je ne comprends pas pourquoi les critiques ont descendu ton disque, moi, je le trouve excellent."  m'irrite.  Mais voir le reste du plateau opiner: "c'est vrai, c'est excellent" m'écoeure.  Parce que si vous n'êtes pas avec lui, vous êtes nécessairement contre lui.  Lepage ne tolère pas les objecteurs de pensée, et ses invités l'ont bien compris.   Car il y a un grand risque si on ne partage pas l'opinion de Lepage: on se retrouve la cible de railleries, on se fait balancer toutes sortes d'insultes.  Du soldat du king de la cour d'école, l'invité réfractaire passe rapidement à souffre-douleur.  Rappelons-nous les passages de Pierre Mailloux, de Normand L'Amour, de l'ex-président de Radio-Canada, de cette chanteuse dont j'oublie le nom qui avait volé dans un grand magasin.  Parce qu'ils émettaient une pensée divergente (je ne partage pas nécessairement leur opinion, là n'est pas la question), parce qu'ils pensaient différemment de Lepage, ils sont devenus ceux sur qui on doit lancer les tomates pourries.

Et ça, c'est quand Lepage les laisse parler...  Est-ce que je suis la seule à trouver que, comme dans les entrevues de Marc Cassivi, les questions posées sont plus longues que les réponses ?  Ce qui compte, c'est la question que Lepage a choisie, et pas la réponse qui suivra.  Après tout, c'est son émission.  C'est lui qui décide.  J'ai l'impression que bientôt, au montage, on ne conservera que les questions de Lepage, et on coupera complètement les réponses des invités.

Qu'a fait Lepage pour obtenir le titre de king de la cour d'école ?  Il l'est devenu grâce à la renommée de Rock et Belles Oreilles.  Je n'enlève rien à ce formidable groupe d'humoristes.  J'ai adoré et j'adore encore RBO.  J'adore Guy A. Lepage dans RBO.  Mais je ne vois pas en quoi celà fait de lui la référence tous domaines confondus: lecture, musique, cinéma, questions d'intérêt général. 

Je sais, vous allez me dire que si ça ne me plaît pas, je n'ai qu'à changer de poste.  Mais maintenant que TVA a choisi de faire jouer Le Banquier en même temps que Tout le monde en parle,  auriez-vous une autre suggestion pour que je règle mon problème d'animatrice-nombriliste ?

Comments

[aïeul]

Quelle belle soirée à consacrer à la lecture...

[Regard urbain]

Même si effectivement Lepage et Turcotte font un beau couple royal parfaitement chiant (souvent, en tout cas), je regarde l'émission, parce que c'est à peu près la seule chose qui a réussi à soigner mon blues du dimanche depuis 10 ans. Alors, tiens, un peu de nombrilisme et beaucoup de vin, ça passe!

[vecteur]

Je n'ai malheureusement pas la réponse à ta question. Toutefois, je tiens à te mettre en garde: à cause de ton message, la Diva sera peut-être la prochaine cible de Lepage. Ce sera une terrible guerre: la reine d'Ahuntsic contre le king du Plateau.